Page:Léo - Un divorce, 1866.pdf/485

Cette page a été validée par deux contributeurs.
473
UN DIVORCE

servante des Desfayes d’affreux détails. Ce beau pigeon que l’enfant avait emporté de Beausite, et qui faisait là-bas toute sa joie, madame Fonjallaz ne le pouvait souffrir, et elle exigeait qu’on renfermât toujours dans une cage la pauvre bête, habituée à sa liberté.

Un jour que Fernand, par pitié pour son ami, avait enfreint la défense, à son retour de l’école, il n’avait plus retrouvé le pigeon roux. On avait prétendu qu’il s’était envolé ; mais l’enfant, inquiet, le cherchant toujours, l’avait enfin trouvé mort entre les mains de la cuisinière, occupée à le plumer. Dans son indignation, il avait frappé cette fille, qui, disait-elle, ne lui en voulait pas ; puis il était tombé raide par terre, et depuis ce moment il était au lit avec une grosse fièvre, pleurant et poussant des cris au souvenir du meurtre de son ami.

— Ils me le tuent ! Je le savais ! murmura la pauvre mère.

Et ses lèvres pâlirent, et ses yeux se fermèrent, comme pour voiler la souffrance horrible qu’elle éprouvait. Camille, qui la cherchait, vint et l’emmena.

M. Sargeaz, Mathilde et Dimitri demeurèrent au jardin, atterrés de ce malheur.

— Ils le tueront, en effet, et la mère suivra l’enfant, dit M. Sargeaz. Oh ! que l’homme comprend peu les lois du mariage, et que le remède qu’il oppose à ses maux est insensé !

— Quoi ! mon père, vous condamnez le divorce ? dit Mathilde.

— Oui, parce qu’il n’atteint pas la source du mal et ne fait que méconnaître de plus en plus les lois de l’union humaine.

— Mais la situation de Claire était intolérable ! et la morale même exigeait la rupture de semblables liens !