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UN DIVORCE

moral vers la justice. Et tu es devenue, Mathilde, ma joie et mon orgueil.

Mathilde baisa la main de son père.

— Je tâcherai de penser à ma mère sans amertume, dit-elle, et cependant, combien elle t’a fait souffrir !

— Qu’importe ! répondit-il, j’ai beaucoup aimé. On aime dans la douleur, vois-tu, bien plus profondément que dans la joie. Elle élève l’esprit et étend le cœur.

— Ce n’est pas à moi de discuter ton dévouement, reprit-elle, puisque sans lui je tombais avec ma mère dans les bas-fonds de la misère et de la honte.

Mais elle restait rêveuse, étonnée, occupée d’analyser une secrète protestation.

Depuis un moment ils se taisaient, marchant tous les trois côte à côte, dans les allées, avec ce regard immobile qui fixe les choses intérieures.

Ils étaient en face de la maison, quand la porte vitrée donnant sur le jardin s’ouvrit, et ils virent Claire qui sortait précipitamment. Elle avait l’attitude d’une personne écrasée par la douleur, les bras abattus, les mains jointes, et tout à coup, par un geste désespéré, elle les éleva au-dessus de sa tête, et, s’affaissant, tomba dans l’allée sur le gazon.

— Elle se trouve mal ! s’écria Dimitri en courant vers elle.

Mathilde et M. Sargeaz le suivirent. Claire, pâle, crispée et levant sur eux des yeux hagards, sembla d’abord effarouchée de leur sollicitude. Mais enfin, sur leurs instances, elle raconta en phrases entrecoupées le motif de son chagrin.

C’était le jour où Fernand devait venir à Beausite ; mais le matin on avait reçu la nouvelle qu’il était malade. Louise alors était allée pour le voir, et avait appris de la