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UN DIVORCE

possible que Fernand fût rendu à sa mère, il ne serait pas livré désormais à la femme d’un étranger.

Il envoya Fernand à Beausite le lendemain, sous la garde d’une nouvelle bonne, car Louise, chassée par madame Desfayes, était retournée près de Claire. Cette entrevue fut d’une horrible douceur pour le pauvre enfant et pour sa mère. Ils passèrent toute la journée dans les bras l’un de l’autre, se souriant et pleurant ; mais, quand il fallut partir, la résistance de l’enfant causa une scène qui brisa Claire. Il emportait cependant son beau pigeon roux qui l’avait reconnu, et le caressait encore ; puis on devait se revoir.

Se revoir ! Claire répétait ce mot en se tordant les mains quand elle était seule. Ah ! comme il était pâle ! comme il avait changé ! Cette organisation si nerveuse, si vibrante, adoucie à force d’amour, elle la voyait maintenant tendue, souffrante, irritée ! Elle n’osait s’avouer à elle-même tout ce dont elle avait peur.

La solitude la tuait ; la présence de ses amis, même celle de Camille, parfois, lui était importune. Claire, cependant, s’efforçait de sourire à son mari, et par moments, se reprochant de ne pas assez répondre à son amour, elle le comblait de caresses ; mais il sentait bien que l’âme n’y était pas tout entière, et voyant que ni la vivacité de sa tendresse, ni le charme de son esprit, ni l’agrément de son caractère, ne pouvaient parvenir à apaiser cette douleur, lui-même, découragé, se laissa aller à la tristesse.

Camille songea plus d’une fois au parti désespéré d’enlever Fernand et de s’expatrier avec Claire. Mais il ne pouvait s’empêcher de réfléchir aux conséquences d’un pareil acte, qui le bannissait à jamais de sa patrie et le jetait sous le coup de peines sévères. Par là, non-seule-