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UN DIVORCE

de sa vie… Et puis, voyez-vous, réellement (elle fondit en larmes), je ne pourrais vivre séparée de lui.

— Oui, votre amour pour lui s’est exalté par toutes les peines qu’il vous a coûtées, par toutes les craintes qu’il vous inspire, et c’est, d’ailleurs, j’en conviens, un être pétri d’intelligence et d’amour. Mais à présent, surtout depuis que M. Desfayes a pris une autre femme, pourquoi votre mariage changerait-il ses résolutions ? Ne vous a-t-il pas promis, sans conditions, de vous laisser l’enfant ?

— Oh ! ses paroles, je les ai gardées dans na mémoire, et bien souvent je me les répète, en y cherchant ce que je dois espérer. Mais il y a toujours, vous le savez, plusieurs manières de comprendre. Écoutez bien, Camille, voici mot pour mot ce qu’il m’a dit :

« Que ferais-je de ce pauvre enfant qui est trop jeune pour te quitter encore ? » Trop jeune encore, entendez-vous ? cela ne semble point engager l’avenir. Et après il ajouta : « Garde-le donc. Je ne te le demanderai point. » Depuis trois ans j’en suis là, me répétant ces deux phrases et y cherchant une assurance que je n’y trouve pas. L’une me rassure ; l’autre excite mes craintes. Qu’en pensez-vous ?

— Je pense, chère amie, que les paroles de M. Desfayes ne sont point de celles qu’on grave sur le marbre, et qu’il les grave peu lui-même dans son souvenir. Cherchez plutôt quelle peut être son intention d’à présent, et vous la trouverez dans son intérêt. Quoiqu’il ait assez bien rétabli ses affaires, cependant il n’est plus riche, et le mariage qu’il vient de faire n’est guère moins désavantageux du côté de la fortune que…

— Mais elle a vendu son café soixante mille francs.

— Bah ! vraiment ? Eh bien ! oui, ce sont de pareilles