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UN DIVORCE

la toucha, et son trouble fut si vif que des larmes lui en vinrent aux yeux. Anna, toujours assise à terre, se redressa doucement, fit un pas sur ses genoux, et, se laissant retomber près de sa sœur, dont elle prit la main :

— Je crois que tu aimerais plutôt M. Camille, dit-elle d’un ton de voix triste et doux.

Claire tressaillit et rougit plus encore ; mais l’émotion de Mathilde ne fut pas moins vive ; car à ces mots d’Anna elle devint aussi très-rouge, sa petite main se crispa, et elle détourna la tête en silence.

— Tu es folle, ma pauvre petite ; tu es folle vraiment, disait Claire à sa sœur.

Elle ne pouvait toutefois se remettre de sa confusion.

Mais Mathilde reprit bientôt son sang-froid, et, regardant Claire, elle dit de son ton incisif :

— En vérité, je crois qu’Anna a deviné juste… M. Camille partage-t-il ?…

— Non ! non ! s’écria la pauvre Claire avec force ; non, ce n’est pas vrai. M. Camille est aimable… et bon… je le crois, mais je n’ai jamais pensé… Ne savais-je pas que mon père ne l’eût pas voulu ? Enfin j’ai donné ma parole à M. Desfayes, vous le savez bien ; tout cela est inutile, et je ne sais pas ce que vous avez toutes deux à me tourmenter ainsi.

À ce moment, un bruit de pas sur le sol craquant de l’allée attira l’attention des jeunes filles, et elles virent M. Ferdinand Desfayes qui s’avançait.

Il était souriant, bien mis, vraiment beau à voir, avec sa haute taille et sa prestance, comme il s’avançait ainsi sous cette voûte de feuillage. Son regard s’empara de Claire aussitôt, et il salua les autres avec distraction ; sur son visage peu expressif se peignaient cependant les