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UN DIVORCE

race, mais de nature. On voyait cependant qu’un lien profond les unissait.

La figure du vieillard était large et douce, non sans énergie, et le regard de ses yeux gris était pénétrant ; mais l’expression générale était celle d’une haute sérénité, d’une sérénité acquise, et qui devait recouvrir un monde de pensées et de sentiments, peut-être un passé rempli d’épreuves.

Celle du jeune homme avait une rudesse, tempérée au physique par beaucoup de distinction, au moral, par une expression de bonté sérieuse et forte, qui résidait surtout dans son regard. Il avait le front haut, les yeux grands et clairs, la chevelure blonde, le bas du visage fort, sans être plein, une stature un peu roide, tout cela joint à une sorte d’élégance particulière qui révélait des habitudes aristocratiques.

— Songez, Dimitri, qu’il y a treize ans, reprit le vieillard. Elle avait quatorze ans alors et commençait à devenir jeune fille. Elle a nécessairement beaucoup changé. Malgré l’éloignement, je ne l’ai pas quittée ; mais nous sommes de ce monde, et la forme nous impressionne toujours d’une manière puissante. Oui, je suis bien ému !

Cependant il protestait par un doux sourire contre sa faiblesse. Dimitri, pensif, ne répondit pas. Après avoir suivi la rue de Bourg, ils arrivèrent à celle de Martheray, entrèrent dans une maison et montèrent au second étage, où le vieillard sonna. Là, pendant la minute d’attente qui suivit, ils échangèrent encore un nouveau regard expressif et sympathique.

La porte s’ouvrit.

— Mademoiselle Charlet et mademoiselle Sargeaz ? demanda le vieillard.