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UN DIVORCE

sensation !… Je n’y voyais plus. Tu me mépriserais toi-même, si j’abandonnais mes enfants… C’est cruel, j’en conviens ; je ne le sens que trop ! Cette pauvre petite, pour laquelle je resterai toujours… presque un étranger !…

Il fit quelques pas en silence, toussa pour raffermir sa voix, et se secoua un peu :

— Nous ne pouvons pourtant pas les partager à la manière de Salomon, ajouta-t-il.

— Il n’y a qu’un moyen, Ferdinand… c’est que nous les élevions ensemble. J’ai bien vu cela cette nuit. Où avais-je la tête de demander ce divorce ! On ne sait ce qu’on fait. Ah ! j’ai eu grand tort ; mais toute ma vie, je te jure, sera consacrée à te faire oublier… Tu verras… Je ne ferai plus la moindre chose qui puisse te déplaire ; je me soumettrai aveuglément à tout ce que tu voudras ; je ne t’adresserai plus le moindre reproche. Ta maison sera mieux tenue ; car tu dois souffrir de tout ce désordre. Je veillerai à satisfaire tes goûts, tes volontés ; et tout le temps que je ne donnerai pas au soin de nos enfants, je le consacrerai à ton service.

— Claire, dit-il lentement et avec amertume, vous oubliez vos engagements vis à vis de M. Camille.

— Oui ; je sens bien maintenant que je n’avais pas le droit de les contracter. Il est bon, il en souffrira ; mais il s’est trompé comme moi. Je ne suis pas libre, je suis ta femme, je ne puis pas avoir un autre mari que toi.

— Il a été votre amant ! dit-il avec colère et jalousie, en marchant vers elle.

— Oh ! jamais ! répondit-elle d’un ton douloureux. Comment peux-tu croire cela ? Je suis aussi pure vis-à-vis de toi que le soir des noces où tu m’emmenas de Beausite et où nous commençâmes notre voyage. Oh ! tu m’aimais