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UN DIVORCE

qu’ils étaient jeunes tous deux, et que madame Claire était belle, ça ne pouvait pas être autrement. Ensuite, il lui a fait faire une promesse ; madame Claire d’abord ne voulait pas, mais elle l’a faite tout de même après ; laquelle, par exemple, je n’ai pas compris, d’autant mieux que, par moments, ils parlaient si bas qu’on ne pouvait pas entendre.

— Quand vous les avez regardés, quelle était leur attitude ? demanda d’un ton aimable l’avocat de M. Desfayes.

— Je prie M. le président d’interroger seul, répliqua l’avocat de Claire. Nous tombons dans l’espionnage.

— De pareilles causes, dit le magistrat d’un ton sévère, ne sont malheureusement éclairées que par des révélations domestiques.

— Mais c’est une abomination ! s’écria M. Grandvaux, qui étouffait de colère. Ne voyez-vous pas que c’est parce que j’ai dû obtenir un jugement contre ces ivrognes paresseux qu’ils cherchent à se venger de moi ? Outre qu’on les paye pour cela sans doute. Ma fille est incapable de s’en être laissé conter par ce Français. Est-il venu seulement chez nous ? Voyons, Claire, lève-toi, affirme, jure que tout cela n’est pas vrai !…

— Georges a mal compris, balbutia-t-elle en essayant de se lever.

Mais elle retomba sur son banc, pâle comme une morte.

— Quand on devrait me couper la gorge, reprit le jeune paysan avec émotion, je n’ai pas menti ; mais je suis fâché d’avoir parlé, et, si j’avais su, j’aurais mieux tenu ma langue devant ces Vionaz de malheur, car c’est eux sûrement qui sont cause qu’on m’a cité en témoignage.