Page:Léo - Un divorce, 1866.pdf/408

Cette page a été validée par deux contributeurs.
396
UN DIVORCE

On embrassait les enfants avec de grandes démonstrations en s’écriant : Eh ! pauvres petits ! si jeunes ! pauvres amours ! Claire finit par ne plus sortir de sa chambre, et, le soir seulement, quand le crépuscule tombait, s’enveloppant d’un manteau, dont elle rabattait le capuchon sur sa tête, elle s’en allait errer, soit dans les allées du jardin, soit dans la prairie vaste et silencieuse, où, en frôlant les massifs des sapins, elle éveillait des tressaillements d’oiseaux. Quelquefois encore, traversant à petits pas la cour de la ferme, dont la fenêtre éclairée laissait voir les gens à table, accoudés, elle suivait le chemin qui longeait les champs, jusqu’à la maison de la Vionaz, et s’en revenait à Beausite par le bois du haut du coteau.

Un soir qu’elle se trouvait là, près de la palissade qui forme le petit enclos de la locature, elle eut peur, en voyant tout à coup une forme noire, qui du côté opposé franchissait la palissade avec précaution. Était-ce un voleur ? Mais chez les Vionaz un voleur n’avait affaire. Claire, s’effaçant contre un tronc d’arbre, avec lequel dans l’obscurité sa forme devait se confondre, vit le fantôme reparaître près de la maison, et reconnut une femme, qui, avant de frapper, regarda à la vitre d’abord, puis tout autour d’elle.

La porte s’ouvrit ; la Vionaz laissa échapper une exclamation, qu’un mot et un geste de la visiteuse apaisèrent aussitôt, et celle-ci, entrant, referma vivement la porte. Mais Claire avait entendu la dernière syllabe d’un nom… gine. Était-ce Georgine ? Elle songea un instant à la servante de madame Fonjallaz ; mais il y avait bien d’autres Georgine, et celle-là n’avait point affaire ici.

Claire n’y pensa plus, sauf le lendemain, que sa sœur l’entretint de la détresse des Vionaz. Ils allaient être chassés par Giromey. Anna ne savait comment leur venir