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UN DIVORCE

exhorta madame Desfayes à bien réfléchir sur un acte aussi grave. C’était la première de toute une série d’épreuves par où elle devait passer. Épreuves toujours vaines ; l’obstacle n’est pas le remède.

On fixa un jour de la semaine suivante pour la comparution simultanée de M. et de madame Desfayes devant le juge, à l’effet d’entendre en commun de nouvelles observations. La permission de citer à l’audience ne pouvait être donnée qu’après cette seconde formalité.

À dater de ce moment, il se fit plus que jamais autour de Beausite l’isolement et le silence, qui sont les grimaces de cette prude appelée le monde. On ne blâmait pas absolument Claire ; mais, comme ces choses-là ne sont pas de bon exemple, on se gardait chastement de tout contact avec ces gens-là. La douce et pure Anna, elle-même, vit des regards se détourner d’elle, et se dérober au coin des rues de bonnes amies qui évitaient sa rencontre.

C’est ainsi qu’agissait la partie bien élevée du public ; les autres, au contraire, enhardis par ce malheur, s’approchaient de plus près, sous prétexte d’exprimer leur pitié, plus blessante que sympathique. Ils questionnaient et s’exclamaient indiscrètement ; puis leurs observations et ce qu’ils avaient appris ils l’emportaient comme une proie à dépecer en famille et dans les réunions d’amis, comme une base à suppositions et à commentaires.

Claire ne rencontra plus aucune paysanne du voisinage sans recevoir des compliments de condoléance sur ses chagrins, joints à des étonnements pleins d’interrogations. Aucun des fournisseurs du logis n’en sortait sans avoir, pendant quelque demi-heure, causé avec Louise ou Jenny, dans la cuisine ou le jardin, tantôt à voix basse, tantôt sur les notes élevées de l’indignation ou de la surprise.