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UN DIVORCE

brassé désespérément par cela seul qu’il était tout son avenir de femme. Cela eût peut-être suffi, s’il l’eût voulu, pour que leur union fût pieuse et paisible, heureuse même ; mais Ferdinand avait pris à tâche de détruire l’illusion, de rompre leurs liens, d’apprendre à sa jeune femme qu’il n’y avait rien de plus entre eux que le hasard d’une union formée par certaines convenances, elle qui dans son enthousiasme rêvait une union prédestinée, consacrée par Dieu et prolongée dans l’éternité.

C’était Camille qu’elle devait aimer, et c’était lui qu’elle avait trahi en épousant Ferdinand…

Lassée de soutenir son front lourd et brûlant, Claire laissa tomber sa tête sur l’oreiller et ferma les yeux. Dans un rêve sans sommeil, elle se vit la femme de Camille, et tous les détails de l’intimité facile et charmante que devait créer autour de lui ce caractère humain, simple et franc, se figurèrent à ses yeux. On l’eût dite en extase, avec ses lèvres entr’ouvertes et son œil ardent sous le voile du rêve, quand un léger cri de sa petite fille la fit tressaillir. Elle courut au berceau. Quelque douleur passagère, causée par la dentition peut-être, car elle trouva l’enfant rendue tout entière au sommeil et à la plus douce quiétude ; tout en elle était repos, ses membres étendus, son front sans pli, sa bouche demi-close, son souffle égal. Elle dormait, oublieuse de tout, sinon qu’elle avait sa mère.

Celle-ci se mit à la contempler avec amour.

Une chose alors frappa la jeune femme : c’était la ressemblance de cette enfant avec son père. On l’avait déjà constatée ; mais jamais elle n’avait été si frappante aux yeux de Claire. Et plus elle regardait sa fille, en cherchant à saisir des différences, plus lui apparaissait, évidente et irrécusable, cette ressemblance, qui mêlait étran-