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UN DIVORCE

pleurait sans cause, ses mouvements étaient brusques, et son malaise ressemblait à ce qu’il éprouvait d’ordinaire à l’approche d’un orage, bien que le ciel fût pur et l’air froid.

Longtemps sa mère le garda dans ses bras, les lèvres collées sur son front, mais sans le pouvoir calmer ; peut-être, pour cela, son sein à elle-même était-il trop agité. Anna le prit à son tour et le berça d’une chanson. I s’alanguit enfin, étendit ses petits bras, et consentit à être couché dans son berceau, où sa mère le frictionna longtemps. Enfin il s’endormit ; mais ses yeux fixes demeurèrent à demi ouverts, ce qui lui arrivait souvent et donnait à son sommeil quelque chose d’effrayant et de mystérieux.

La jeune mère accablée s’assit au bord de son lit. Elle n’avait qu’une chose dans sa pensée : demain, et ne s’inquiétait guère de se coucher, ne pouvant dormir. Cependant tandis qu’Anna, tout en lui parlant, dénouait ses longs cheveux, Claire détacha son corset, qu’elle jeta loin d’elle, en respirant fortement ; mais la cause de l’oppression était plus profonde ; elle mit la main sur son cœur et pencha la tête avec tristesse.

Dix fois, en répondant à sa sœur, le nom de Camille vint sur ses lèvres.

Anna devint pensive, tout à coup s’asseyant près de sa sœur et l’entourant de ses bras :

— Il est très-bon, dit-elle d’une voix caressante, mais je crains…

— Vas-tu me disputer, toi aussi, les consolations que je puis avoir ? demanda Claire avec un peu d’aigreur.

— Oh ! tu sais bien que ce n’est pas mon intention, chère sœur ; mais… enfin… si M. Camille avait de l’amour pour toi ?