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UN DIVORCE

et ceux des enfants, et les ranger dans les malles.

— Tu pars ? s’écria-t-elle.

— Crois-tu que je le laisserai partir seul !

Elles s’embrassèrent en sanglotant.

— Ah ! ma pauvre Claire, tu as raison ; je ferais comme toi ; mais quelle existence tu vas avoir !

— Oh ! ce sera cruel et ce sera indigne, j’y compte. On m’abreuvera de toutes les hontes et de tous les tourments. Mais je supporterai tout, j’y suis résolue, et j’élèverai mon enfant, en tâchant de vivre, jusqu’à ce qu’il ait vingt et un ans. Oh ! ma chère Anna, pourquoi les femmes et les enfants sont-ils si malheureux en ce monde ?

— Je ne sais pas ; c’est qu’on n’a pas vu sans doute ce qu’il faudrait voir. On dit toujours : Il faut bien que quelqu’un soit le maître ; comme si l’accord ne se pouvait pas, et qu’il n’y eût que la force. Moi, je crois qu’il y a toujours un moyen de s’entendre ; mais il faut le trouver. Quelquefois, quand je songe à ton mari, je me dis : Mais lui aussi il aime ses enfants, et ils sont à lui ! Alors je sens que vous ne pouvez pas être séparés, qu’une loi véritable vous réunit, et je parle à M. Desfayes comme s’il était là, du fond du cœur, avec tant de force, que cela me fait pleurer, et que, s’il m’entendait, je suis sûre… Mais après, je ne retrouve plus aussi bien ce que je disais.

— Moi aussi, j’ai rêvé de revenir à lui, de le toucher. Je l’ai cherché tout un soir par la ville ; mais à présent, quand même ce serait possible qu’il voulût changer, moi je ne pourrais plus avoir confiance et l’aimer comme autrefois ; non, je suis trop lasse, trop écrasée ; il m’a fait trop souffrir. Et maintenant que je comprends mieux les choses, je ne me rappelle pas d’avoir senti battre vivement son cœur. Il n’a que de la passion, ou il est froid.