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UN DIVORCE

ne serait plus le maître. Je m’attendais à cela, et s’il avait accepté, d’ailleurs, je lui en gardais d’une autre ; je demandais la séparation de biens. Alors donc, je lui ai offert le divorce par consentement mutuel. Il a réfléchi un moment ; puis, en se tordant la moustache, il a répondu : « Non, puisqu’il faut en finir ; c’est trop chanceux et trop long. » Je te dis qu’il songe déjà à se remarier avec la Fonjallaz ; mais, sois tranquille, j’y mettrai bon ordre. À présent, patiente seulement, et laisse-moi faire ; tout ira bien, sauf que l’héritage qu’il laissera un jour à tes pauvres enfants ne sera pas gros. Hélas ! une si belle fortune ! À qui faut-il se fier ? Enfin, nous regagnerons toujours le nôtre, Dieu voulant !

Les jours s’écoulèrent, puis des semaines. Claire vivait à Beausite comme à Lausanne, tout occupée de ses enfants, mais plus triste que jamais, et son regard fixe et le pâle sourire, qu’elle accordait toujours quand on le lui demandait, témoignaient que, tout en s’efforçant de prendre part à la vie commune, elle habitait intérieurement le monde de ses regrets et de ses chagrins.

Cependant, la gaieté de ses enfants, leurs progrès et leurs gentillesses avaient le pouvoir de l’y arracher parfois et d’amener sur ses lèvres un vrai sourire, ce sourire maternel si pur, si oublieux de toute autre chose et qu’accompagne un regard si radieux et si croyant. Aussi la bonne Anna, qui folâtrait avec les enfants une moitié de la journée, avait-elle tous les jours à lui raconter quelque nouveau trait des plus étonnants ; car ils étaient vraiment, ces chers petits, deux merveilles, que tout le monde adorait.

Fernand avait maintenant trois ans et se trouvait très-bien pour sa santé du séjour de Beausite. Il courait par toute la campagne, se roulait sur l’herbe et cueillait pour