Page:Léo - Un divorce, 1866.pdf/364

Cette page a été validée par deux contributeurs.
352
UN DIVORCE

rait être mis dans la voiture ; mais il fallait laisser dans la chambre le lit de Fernand. Claire ne le voulait pas ; elle ne pouvait s’y résoudre. Quelle était sa pensée ? Il lui prit encore une hésitation, dont Mathilde la fit rougir.

Quand tout fut prêt et que la nuit fut tombée, Mathilde alla chercher une voiture. Claire s’était assise à un angle de la chambre, immobile, quand le roulement sur le pavé de la rue se fit entendre. Louise aussitôt descendit en hâte, chargée de paquets ; mais madame Desfayes ne se leva point encore.

Elle ne savait trop elle-même ce qu’elle éprouvait ; ce n’était ni de l’attendrissement, ni du désespoir ; c’était une stupeur profonde. Cette chambre qu’elle allait quitter pour toujours et qui avait contenu trois ans de sa vie, avait été destinée à la contenir tout entière ; elle y avait passé des jours charmants, qu’elle revoyait encore de souvenir, tout éclairés du soleil qui passait à travers les rideaux roses. Elle se rappela les matinées où elle ne pouvait venir à bout de peigner et de relever ses beaux cheveux, à cause des baisers de Ferdinand.

Elle y avait bien souffert aussi : une de ses premières nuits de chagrin, elle l’avait passée là, sur le tapis du foyer, la tête appuyée sur cette chauffeuse. Les enfants y étaient nés, son petit Fernand, fils de sa douleur, joie de son âme, et elle revoyait toute la scène du premier jour, l’enfant si faible et qui vagissait à peine, la sage-femme, docte et empressée, la bonne madame Grandvaux, demi-joyeuse, demi-attristée, qui chauffait des langes auprès du feu.

À la seconde naissance, elle entendait encore les exclamations de joie qui avaient accueilli la petite Clara, si belle, si forte, créée d’un rayon d’espoir.

— Viens, ma pauvre cousine, tu ne peux hésiter en-