Page:Léo - Un divorce, 1866.pdf/360

Cette page a été validée par deux contributeurs.
348
UN DIVORCE

s’abstint de la saluer, et se mit à table sans proférer un mot. Au bout de quelques instants, sur un signe de sa cousine, Claire dit avec effort, et en changeant de couleur :

— Cette fille, dont tu m’avais parlé… est venue… mais, c’est étrange… elle assure que tu l’as engagée déjà ; elle s’est trompée…

— Non, répondit-il ; — le sang lui monta au visage, peut-être à cause de la présence de Mathilde ; non, je l’ai engagée en effet, voyant qu’elle nous convenait.

— Je n’aurais pu le croire, dit Claire d’une voix dont les inflexions brisées accusèrent tant de faiblesse que la main de Mathilde se crispa sur la table.

D’un ton ironique il répliqua :

— Tu avais tort.

Mais il semblait embarrassé ; il sonna Louise et voulut avoir l’air de s’occuper d’autre chose.

— Cette fille ne me convient pas, reprit Claire, excitée par un coup d’œil de sa cousine.

— Ah ! c’est fâcheux ; mais elle me convient à moi.

— Vous oubliez, monsieur, dit Mathilde, que cette fille doit être l’aide de votre femme, non pas la vôtre, et que par conséquent c’est à Claire seule qu’il appartient de la choisir.

M. Desfayes, qui avait affecté jusque-là de ne point regarder Mathilde, ne répondit pas.

— Il m’est impossible de la recevoir, dit Claire.

— Vous m’obéirez, je pense ?

— Non ! murmura-t-elle.

Il frappa du pied avec violence.

— Prenez garde à ce que vous faites, Claire ; ne suivez pas les mauvais conseils de personnes ridicules et insensées.