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UN DIVORCE

prendre cette fille ; quand même, au lieu d’un démon ce serait un ange, du moment que ton mari l’a engagée sans te consulter, tu ne peux faire autrement.

— Assurément, répondit Claire.

Mais à la pensée de cette lutte, comme elle se mourait de peur, elle pria sa cousine de rester jusqu’au soir avec elle.

— C’est infâme ! répétait-elle en joignant les mains ; c’est vraiment infâme ! Vouloir me donner une servante amie de cette femme ! Un espion dans ma maison ? Mais comment Ferdinand peut-il se laisser à ce point gouverner par elle ? Auraient-ils résolu de me pousser à bout ?

— Cela pourrait bien être, répondit Mathilde. Et peut-être ton mari n’est-il là-dedans qu’un instrument ?

— Cette misérable femme devrait pourtant comprendre que c’est trop, et que je ne pourrai pas souffrir cela !

— Tu as déjà souffert autant et davantage ; mais te voilà atteinte dans les choses qui vous sont, à vous autres femmes, le plus sensibles, et, pour le coup, si tu cèdes cette fois, tu es complétement perdue.

— Enfin, Mathilde, s’il m’ordonnait de recevoir cette fille, que lui dirai-je ?

— Ne lui dis rien, car tu n’es pas capable de soutenir le choc ; mais s’il persiste, pars ce soir même : je t’aiderai et te conduirai jusqu’à Beausite.

La fièvre prit Claire, et, dans la cruelle attente où elle se trouvait, elle ne fit qu’envisager les peines de sa situation, soit qu’elle choisît un parti, soit qu’elle choisît l’autre. Fatiguée d’entendre ses lamentations, qui ne concluaient à rien, Mathilde prit un livre et le feuilleta jusqu’au souper.

Ferdinand fronça les sourcils en voyant Mathilde ; il