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UN DIVORCE

droit de faire tort à tes enfants pour de la sensiblerie. Imagines-tu que tu es la seule ? Il y a eu seulement quinze divorces dans le canton, le mois passé. Dans trois ans d’ici, tu seras encore toute jeune et tu pourras te remarier. Pour cette fois, on y regardera de plus près.

Claire tremblait et pleurait. Elle ne savait que répondre ; mais elle éprouvait un saisissement profond.

— Mes enfants ! balbutia-t-elle.

— Tu les auras tous les deux, parbleu ! assura M. Grandvaux. Crois-tu que je ne m’y prendrai pas comme il faut ? Je ferai constater son inconduite ; je le pincerai, je t’en réponds. Fie-toi à ton père et ne crains rien.

Malgré ces assurances, Claire, à partir de ce jour, vécut dans l’angoisse. L’idée du divorce, sans qu’elle la rejetât absolument, la terrifiait. Et ses enfants ! si le tribunal se trompait ! Elle avait cru ne plus aimer son mari ; maintenant il lui semblait, par moments, qu’elle l’aimait encore.

Mais ce qui la troublait le plus, c’est que la pensée de Camille s’associait en elle à l’idée de sa liberté retrouvée. Elle ne comprenait plus vraiment ce qui était coupable et ce qui était permis ; mais elle souffrait comme si elle eût senti crier sous son pied quelque chose de vivant, et cachait dans ses mains son front brûlant qui rougissait. Quinze jours écoulés sur la petite brouillerie survenue entre madame Desfayes et madame Renaud, celle-ci revint tout d’un coup avec l’emportement de sa fantaisie, et Claire, cédant à ses instances, l’alla visiter, et revit Camille. Quelques jours après, sur un motif très-plausible qu’elle se donna à elle-même, elle y retourna.

Bien que madame Renaud fût avec eux, le jeune Français avait l’art de dire des choses qui n’étaient que pour