Page:Léo - Un divorce, 1866.pdf/347

Cette page a été validée par deux contributeurs.
335
UN DIVORCE

bien-être et de ces harmonies, souriait avec extase ; Claire, elle-même, depuis une heure, oubliait de souffrir. Cependant, au milieu du silence plein de rêves où ils venaient de tomber, quand l’horloge, frappant six coups graves, leur rappela l’heure et toutes les obligations dont elle est chargée, Claire, en soupirant, se leva.

— Déjà ! dit le visage consterné de Camille. Et, la prenant par la main, il la fit se rasseoir un instant.

— Ne trouvez-vous pas, madame, qu’il y a dans la vie des moments marqués d’un caractère ineffaçable, où tout apparaît comme éclairé d’une lumière nouvelle et transfiguré ? Les lignes de cet horizon qui nous entoure, les traits de ce paysage, l’arbre embaumé sous lequel nous sommes assis, ses fleurs blondes, son feuillage qui se découpe sur le ciel, jamais je n’avais vu tout cela si beau. Ce tableau restera dans mon souvenir tout resplendissant d’une beauté magique !

Il cessa de parler, mais ses yeux, attachés sur les yeux de Claire, achevèrent sa pensée. Elle détourna son regard en pâlissant, car c’était une impression triste et profonde qu’elle éprouvait. Elle aussi voyait ce mirage, et ce n’était pas la première fois. La poésie de l’amour avait déjà, pour elle, jeté sur la vie son tissu brillant ; mais il s’était déchiré. Maintenant… maintenant, elle avait toujours besoin d’aimer et de croire, mais ne l’osait plus.