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UN DIVORCE

— Papa ! répéta l’enfant, et tandis que déjà les larmes lui venaient aux yeux, il souriait encore, attendant un regard. Mais ce regard ne vint pas, et la chère créature, chez qui le sentiment suppléait à la connaissance, jeta sa tête sur l’épaule de sa mère et se mit à pleurer.

— Ton père ne nous aime pas, mon Fernand, dit Claire ; car le chagrin de son enfant lui causa un élan d’indignation.

— Vous avez tort d’exciter cet enfant contre moi, s’écria M. Desfayes ; comme il faut qu’il respecte son père, je pourrais confier à d’autres qu’à vous le soin de l’élever.

Claire le regarda avec un étonnement indicible, et ses beaux yeux s’agrandirent jusqu’à ce qu’une flamme terrible les traversât.

— Ah ! vous m’ôteriez mon enfant ? dit-elle.

— Malgré vos fureurs, oui, j’en ai le droit.

— Le droit ! le droit ! répéta la jeune femme avec un éclat de rire strident. Vous êtes fou !

Elle en était si bien certaine qu’il était fou et que ce qu’il prétendait ne pouvait pas être, qu’il faillit lui-même partager cette conviction rien qu’en la voyant, calme et fière, asseoir son enfant sur ses genoux. Il sortit furieux et troublé ; mais à peine avait-il refermé la porte que Claire était saisie d’une attaque de nerfs.

Deux heures après, comme elle reposait sur son lit, brisée, elle le vit paraître devant elle, avec une expression de haine et de menace telle qu’elle en frémit jusqu’à la moelle des os.

— La lettre, demanda-t-il, qu’en avez-vous fait ?

Elle crut qu’il allait la tuer et faillit s’évanouir. Elle essaya de balbutier un mensonge.