donnant aux enfants ses soins habituels, elle restait le cœur serré, les nerfs frémissants, dans l’attente d’une entrevue avec son mari.
Mais Ferdinand sortit sans déjeuner. Allait-il désormais prendre ses repas hors de chez lui ? Les commentaires que la jeune femme fit en elle-même sur cette question la préoccupèrent jusqu’à midi, heure du dîner.
Il arriva. Il était roide et glacé ; il ne regarda personne, et ne vit pas qu’à son approche Claire, toute décolorée, menaçait de se trouver mal. Après s’être mis à table, il se servit lui-même, repoussa le plat ensuite, mangea, but comme à l’ordinaire, fit quelques pas dans la chambre, alluma un cigare et partit.
Quand il ne fut plus là, Claire se sentit la poitrine allégée d’un poids énorme ; puis elle se prit à pleurer, en considérant ce qu’était devenue pour elle cette présence, tant désirée autrefois.
Mathilde vint voir sa cousine ; mais elle fut froide et resta peu. Claire eut ensuite la visite de sa mère, et elles pleurèrent ensemble, en s’occupant, à la manière des esprits impuissants, de ressasser les événements et de les déplorer, sans rien conclure ; sauf que madame Grandvaux exhorta de nouveau Claire à la patience et à la résignation, en vue du ciel et en vue du monde, qui s’accordent en cela, comme sur bien d’autres sujets.
Le souper fut aussi morne que le dîner ; M. Desfayes s’y conduisit de nouveau comme à table d’hôte, se servant lui-même, et repoussant ensuite le plat sans parler. Fernand attachait sur son père de grands yeux observateurs, et tout à coup sa petite voix claire et vibrante alla caresser de son doux timbre, ce visage sombre et rébarbatif : Papa ! papa !
Il y eut peut-être un mouvement, mais nulle réponse.