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UN DIVORCE

besoin ; aussi je ne sais pas comment je pourrai vous témoigné assez de reconnaiçance, et je voudrais pouvoir vous faire lire dans ce cœur qui est tout à vous. Enfin, je vous dirai que je suis fort en peine de ce Maugardin, quoique si je voulais je lui ferais bien entendre raison ; mais je le déteste, et quand ce serait pour mourir, je n’aimerai jamais un autre que vous. Donc, j’espère que vous recevré cette lettre à tant et que vous serez à votre bureau à une heur, où j’irai aussi. Je veux sûrement vous trouvé parce que vos comis me font un air qui ne me va pas, car tout le monde me persécutte à cause de vous. Mais ils feront tout ce qu’ils voudront, je n’en serai pas moins…

« Votre Herminie. »

« N’oublié pas de me rapporté cette lettre comme l’autre, pour qu’elle ne s’égard pas dans vos papiés. »

Les blanches petites mains de madame Desfayes s’écartèrent avec dégoût, et la grossière missive aux jambages épais tomba à terre en tournoyant. Claire, un instant, resta pensive, puis elle ramassa la lettre du bout des doigts, la replia et la serra dans un tiroir.

En passant près des berceaux des enfants, elle ferma de ses lèvres les yeux blancs et entr’ouverts du petit Fernand, qui dormait souvent ainsi, et se recoucha le cœur morne, abattue, triste à en mourir. Tout était donc fini ; elle se trouvait, à vingt-trois ans, tombée sans retour au fond d’un abîme de solitude, véritable enfer de l’âme.

Le lendemain matin, elle se leva, plus faible et aussi dépourvue de résolution que jamais. Les caractères énergiques sont rares, et quand tout s’est accordé pour affaiblir un être, nature, éducation, force des choses, il ne peut qu’avoir succombé sous ces influences. Tout en