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UN DIVORCE

moment, madame, votre confident, et j’en ai le droit, puisque celui qui aurait à votre confiance plus de droits que moi les abandonne. Ce n’est pas à moi de le servir malgré lui, certes ; mais… je ne dois pas non plus l’accuser.

— Sans doute, monsieur, s’il est votre ami…

— Je suis trop le vôtre, Claire, pour être le sien. Vous avez tout mon dévouement, je vous le donne ; mais un dévouement, chère madame, pour être vrai, pour être digne, doit être dépouillé de tout intérêt personnel.

— Je ne comprends pas, murmura-t-elle… Cependant elle rougissait.

— Eh bien ! dit-il avec tendresse, en lui baisant la main, je ne vous demande pas même de me comprendre.

Ils revinrent en silence vers la place, et elle ne songeait plus au désir qu’elle avait été forcée d’abandonner, mais à ce que le jeune peintre venait de lui dire. À l’entrée de la place, toujours assez populeuse, Camille s’arrêta :

— Il n’est pas prudent que je vous conduise plus loin, dit-il ; car il ne faut pas qu’on nous reconnaisse ensemble ; mais je vous suivrai à quelque distance et je veillerai sur vous jusqu’à ce que vous soyez rentrée dans votre maison.

— Que vous êtes bon, monsieur ! Je ne puis exprimer combien je vous suis reconnaissante.

— Ne me remerciez pas, ne me remerciez jamais ! s’écria-t-il en lui serrant la main avec force, mais ayez besoin de moi souvent, et alors c’est moi, Claire, qui vous remercierai.

Au seuil de sa maison, avant d’entrer, elle se retourna, et le vit à dix pas, les yeux attachés sur elle ; alors, de