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UN DIVORCE

moi. Vivre seule, malheureuse, et honteuse de mon malheur !

— Si tu crains d’être quittée, il vaut mieux, en effet, que tu le quittes toi-même. Pars, va chez ton père dès ce soir.

— Ce serait peut-être mieux, dit la jeune femme ; car ici, avec sa colère, mon existence, je le sens bien, sera quelque chose d’horrible. Il me contrariera en toutes choses, et, seulement de voir ses sourcils froncés, son regard dur, moi, cela m’étouffe et me tue. Oh ! l’on ne peut pas vivre ainsi !

— Eh bien ! es-tu décidée ? Je vais chercher une voiture.

— Une voiture ! s’écria Claire éperdue, une voiture ! partir ainsi ! tout de suite ! Oh ! tu n’y penses pas, Mathilde ; c’est impossible !

Et, toute frémissante, elle se renversa dans son fauteuil.

— Il vaut peut-être mieux attendre, dit Anna, réfléchir encore.

— Attendre ! s’écria Claire en joignant les mains, attendre ! Au milieu d’une pareille angoisse, ah ! c’est peut-être encore ce qu’il y a de plus cruel !

— Si tu as peur de tout, même de souffrir ! dit Mathilde.

Elle traversa la chambre d’un pas impétueux et prit son chapeau.

— Quoi ! tu pars ? s’écria Claire.

— Tu la quittes ainsi, dit Anna d’un ton de reproche.

— Je suis prête à me charger avec plaisir de toutes les conditions difficiles qu’il vous plaira. J’irai volontiers, si cela peut servir à quelque chose, souffleter madame Fonjallaz ou prouver à M. Desfayes qu’il n’est qu’un être