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UN DIVORCE

— J’ai rencontré ton mari sur la place Saint-François, dit-elle, et j’ai bien vu, puisqu’il t’avait quittée si vite, que votre réconciliation n’avait été qu’une comédie. Tu aurais dû refuser son bras et revenir seule, sans écouter ce vieux phraseur. Oh ! tu as de beaux moments, mais tu ne sais pas les soutenir.

— Tu m’approuves, toi ? dit Claire, en laissant aller sa tête décolorée sur le dossier de son fauteuil.

— Je le crois bien, ma chère, tu as été sublime ! Ah ! si toutes les femmes savaient se montrer ainsi !… Mais est-ce que tu vas t’évanouir, à présent ?

— Oh ! que va-t-il arriver de tout ceci ? Mon mari me repousse et m’abandonne, et tout le monde sera contre moi.

— Je ne te comprends pas ! s’écria Mathilde, qui était la logique même. Si c’était pour arriver à te repentir et à te désespérer, il ne fallait pas faire ce que tu as fait.

— Sans doute ; mais quand j’ai vu là, devant moi, cette horrible femme, je n’ai plus été maîtresse de moi. J’ai parlé sans savoir ce que j’allais dire, et comme si un ressort eût poussé mes lèvres. Je n’ai pas songé qu’on pouvait m’entendre. Et quand j’y aurais songé, cela m’eût été encore bien égal. Il y aurait eu là une foule, que j’aurais parlé. Oh ! cette femme ! le poursuivre ainsi partout, lui extorquer de l’argent, car elle n’était venue que pour cela ! Ferdinand ruine ses enfants pour cette créature. Et il me menace à cause d’elle ! il ose dire qu’il me hait ! il veut se venger de moi ! Oh ! que vais-je devenir ?

— Ce que tu voudras, répondit Mathilde. Si tu restes là, à te tordre les mains en interrogeant le sort, il arrivera ce que tes ennemis auront préparé. Mais si, au contraire, sachant ce que tu veux et ce qu’il te faut, tu