Page:Léo - Un divorce, 1866.pdf/308

Cette page a été validée par deux contributeurs.
296
UN DIVORCE

Elle finira par avoir des attaques d’épilepsie, ou bien vous serez obligé de la loger au Champ de l’air[1]. Tenez, je vous plains, et, si j’étais homme, je ne sais quelle autre je n’aimerais pas mieux que celle-là. Je sais assez que vous ne l’avez prise que pour son argent ; mais le vieil usurier ne vous a pas payé assez cher pour ça, et vous me semblez avoir fait un cruel marché.

Presque fou de colère et de honte entre ces deux femmes, dont la haine réciproque semblait inextinguible, M. Desfayes se précipita tout à coup sur Claire, l’enleva du seuil de la porte, la jeta sur un fauteuil, et saisissant alors par le bras madame Fonjallaz, il l’entraîna hors du bureau.

Au moment où il ouvrit la porte, les quatre commis, s’envolant comme un troupeau de grues effrayées, s’arrêtèrent à divers points de la chambre, un pied en l’air.

— Qu’est-ce que cela signifie, messieurs ? s’écria M. Desfayes. Pourquoi n’êtes-vous pas à vos places ?

Les yeux lui sortaient de la tête, et, de pâle qu’il était, il devint rouge, comme s’il allait avoir un coup de sang. D’humbles et maladroites excuses lui répondirent ; chacun des commis alla s’abattre sur son pupitre, et les quatre plumes recommencèrent à marcher.

— Mais, mon cher monsieur, dit de sa voix la plus claire et la plus haute madame Fonjallaz, vous concevez qu’on devait entendre crier votre femme d’ici. Elle vous a fait là un joli petit scandale, et vraiment je vous plains de tout mon cœur. Pour moi, ça ne me fait rien, car tout le monde comprendra que, dans la situation où je me trouve, je dois avoir des affaires d’argent à régler, et

  1. Maison de fous à Lausanne.