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UN DIVORCE

petites mains étaient devenues de fer, et si elle eût touché madame Fonjallaz, elle l’eût étranglée.

— Tout le monde sait que c’est une affaire arrangée, que vous êtes la maîtresse de mon mari, s’écria-t-elle d’une voix éclatante ; mais il me semble que vous devriez cacher cela dans votre chambre, et je trouve que c’est trop fort qu’on ne puisse avoir affaire à M. Desfayes dans ses bureaux sans être exposée à marcher sur vous ; je croyais que c’était ici une maison honnête et non pas un mauvais lieu.

— Claire ! s’écria M. Desfayes, Claire, tu es folle ! ne parle pas ainsi, je te le défends, tais-toi !

Cependant sa voix était peu ferme, et devant la colère puissante écrite en traits de feu sur le visage de Claire, et dans toute son attitude, l’audace elle-même de la Fonjallaz se trouva un instant déconcertée. Pour la première fois, l’humble descendante de l’Ève biblique brava du regard le maître qu’elle avait tant chéri.

— Comment osez-vous, monsieur, me donner des ordres quand votre maîtresse est là devant mes yeux ? Me parlerez-vous aussi du respect que je vous dois ?…

— Et qui vous dit que je suis sa maîtresse ? cria la Fonjallaz. Voudriez-vous, s’il vous plaît, ne pas insulter les gens comme ça ? C’est donc, madame, parce que vous avez un galant, que vous allez trouver dans son jardin ; c’est donc pour cela que vous ne pouvez pas croire les autres honnêtes ? C’est égal, allez, vous m’amusez bien, et je n’aurais jamais cru qu’une pimbêche comme vous pût devenir furieuse à ce point-là.

— Tu touches à la boue, Claire, et elle te salit, dit Mathilde en écrasant du regard madame Fonjallaz.

Mais avec un dédain presque égal, celle-ci riposta :

— Tiens, vous vous mêlez aussi de cela, vous ? On sait