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UN DIVORCE

pour croire qu’elle puisse être heureuse avec lui. Hélas ! on se trompe si facilement, même quand on n’avait pas de raisons de se défier !

— Comment une femme honnête peut-elle aimer un homme sans vertu et sans dignité ? reprit la jeune philosophe. Car, enfin, ce qu’on aime dans son amant, ou dans son ami, ce sont les qualités qu’il possède. Nous nous unissons par nos vertus, et nous repoussons par nos défauts.

— Certes, dit Claire, après tout le ridicule dont ce pauvre Étienne s’est couvert ici (je puis dire cela devant toi, Mathilde, puisque nous en sommes tous également affligés), certes, Anna est bien la seule, parmi toutes les demoiselles à marier, qui veuille songer à ce malheureux garçon ; il faut pourtant n’avoir pas à rougir de son mari.

— Pour une femme délicate, reprit encore Mathilde, l’histoire seule de Maëdeli…

— Et qui vous dit que je veuille l’épouser ? s’écria la douce fille, à la fin exaspérée. Je n’y songe pas même ; seulement je l’aime, lui, Étienne, mon pauvre cousin, mon compagnon d’enfance et mon ami. Je ne l’aime pas pour ce qu’il fait, mais pour ce qu’il est ; et il aura beau faire, il sera toujours lui, et je l’aimerai toujours. Vous ne comprenez pas cela, vous autres ? Est-ce que tu ne sens pas, toi, Claire, que tu aimeras toujours ton fils, même quand il ferait des folies, et même des méchancetés ?

Elle se cacha la tête dans ses mains et se mit à sangloter, et le petit Fernand, qui était venu se placer vis-à-vis d’elle, la regardait fixement. Tout à coup il se jeta sur elle en pleurant aussi et criant :

— Tante ! tante ! petite tante Anna !

— Oh ! chère âme ! s’écria la jeune fille en le prenant