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UN DIVORCE

— Mais, répliqua-t-elle, il me semble qu’il n’y a ici que toi et moi, sans compter Fernand, qui à coup sûr n’en dira rien. Je t’ai promis de n’en pas parler dans ma famille, et si mon père l’apprend, ce ne sera point par moi. Je voulais seulement dire que je te croyais brouillé avec ce Monadier.

— Bah ! je l’ai été quelques jours, et puis je ne le suis plus. Est-ce qu’on se brouille comme cela entre concitoyens ? Nous avons les mêmes intérêts, les mêmes affaires ; nous sommes sans cesse en contact, et, quand un motif nous a désunis, un autre nous rapproche. Ce n’est pas, du reste, un mauvais diable ; il a été dans cette affaire la première victime. Et puis, pour être juste, il m’a beaucoup servi dans les élections. Si je suis conseiller municipal, et si j’ai pu prendre déjà une bonne autorité dans les affaires de la ville, je lui en dois quelque chose. Aussi j’aime mieux l’avoir pour ami que pour ennemi.

M. Monadier n’est-il pas le tuteur[1] de madame Fonjallaz ? demanda Claire, quand son mari eut fini de parler.

— Qu’est-ce que cela te fait ? s’écria-t-il furieux. Et pourquoi vas-tu me chercher cela ?

À partir de ce jour, l’entente, ou plutôt la facilité de rapports qui s’était rétablie dans leur ménage se trouva de nouveau rompue. Maintenant ils s’observaient avec défiance, et, que ce fut remords ou impatience des soupçons de Claire, M. Desfayes semblait fuir sa maison, et

  1. En Suisse, la femme est toujours mineure. La fille âgée de vingt et un ans qui a perdu son père, et la veuve, reçoivent un tuteur ou conseil, nommé par la famille, sans l’autorisation duquel elles ne peuvent faire aucun acte important.