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UN DIVORCE

t’accompagner. Il fait un temps admirable. Te rappelles-tu que nous allions nous promener ensemble, tous les soirs, autrefois ? Nous étions très-heureux, alors, Ferdinand. Si tu le voulais, nous pourrions l’être encore, vois-tu ?…

— Je ne sais ce que tu as, s’écria-t-il avec impatience, et pourquoi toute cette sensiblerie à propos de rien. Est-ce qu’un lendemain de mariage peut durer toute la vie ? Permets-moi de sortir seul, j’ai des affaires.

Il trouva son chapeau, le saisit et s’en alla.

— Mon Dieu ! je vois bien que c’est fini, se dit-elle.

La pensée de l’amour de Camille lui revint alors avec une grande force. Maintenant elle voyait bien que ce jeune homme l’aimait d’amour. Et ne l’avait-il pas toujours aimée ainsi ?

Avant son mariage à Beausite, elle l’avait bien vu. C’est dans ses yeux que, pour la première fois, la flamme de l’amour lui était apparue et l’avait troublée. Combien il avait eu raison quand il avait dit que l’ignorance et la vanité perdent la jeune fille ! Elle n’avait pas même songé autrefois à l’épouser ; elle avait voulu croire que c’était impossible, et à présent elle sentait que c’était avec lui qu’elle aurait été heureuse.

Mais elle frémit !… Ainsi donc, elle reniait son mariage, son mari, ses enfants eux-mêmes ! Elle avait tort ; elle était coupable. Parce que son mari ne l’aimait pas, cela lui donnait-il le droit d’en aimer un autre ?

Non, sans doute.

Non. Et cependant aimer est sa destinée de femme la seule qui lui soit donnée, tout le lui prouve, tout le monde le dit… Et puisqu’à poursuivre en vain l’amour de son mari elle ne recueille que d’amères douleurs, que des déceptions éternelles… Oh ! serait-elle bien cou-