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UN DIVORCE

dans un refuge ; mais l’inquiétude et le trouble étaient dans son cœur.

Son mari arriva bientôt, et elle voulut lui parler, causer avec lui ; elle était d’une vivacité tout à fait inhabituelle ; mais elle ne put obtenir de Ferdinand les répliques nécessaires à une conversation, et cependant il n’était pas bourru, ni emporté, mais rêveur. Ce n’était guère son habitude. Qu’il mangeât, qu’il se chauffât, qu’il prit l’air à la fenêtre, qu’il s’occupât de caresser l’enfant ou de l’agacer, il faisait tout cela bruyamment, avec un grand retentissement de pas ou de paroles. Et même, quand il était préoccupé de quelque affaire, il en parlait tout haut, bien qu’il sût que sa femme n’y prêtait nulle attention. Mais ce soir-là, au lieu de sortir après le souper, il était allé s’appuyer contre l’embrasure de la fenêtre et restait debout, pensif et les yeux fixés à terre.

— Qu’a-t-il donc ? se demanda Claire.

Elle se rappela que déjà la veille il était ainsi. Le monde extérieur ne l’attirait pas comme à l’ordinaire, et il n’était pas non plus avec elle, ni les enfants, car le petit Fernand avait inutilement deux fois secoué sa main pour attirer son attention et le faire jouer avec lui.

— Qu’as-tu donc ce soir ? lui demanda-t-elle.

— Moi ? dit-il en tressaillant. Et ses yeux se portant sur la fenêtre : — Je regarde ce clair de lune qui est admirable.

Elle en était sûre maintenant : il pensait à sa maîtresse devenue libre.

Le premier mouvement de Claire fut un retour de colère et de jalousie. Puis elle se dit : — Et moi-même, à qui ai-je pensé tout le jour ? — Elle ressentit alors un chagrin profond, un grand découragement. Voilà donc ce qu’était devenue leur union, cette union sainte qui