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UN DIVORCE

— C’est celui de Fonjallaz, le cafetier, ma chère. Quoi ! tu ne savais pas qu’il était mort ?

Madame Desfayes balbutia une réponse négative et parut éprouver quelque trouble. Mais elle se mit aussitôt à parler d’autre chose avec vivacité. Ses traits et sa voix décelaient un peu de fatigue ; mais elle n’en était pas moins belle, et peut-être même l’était-elle davantage que le jour où, dans l’avenue de Beausite, elle avait ébloui M. Desfayes.

Dans ses yeux plus profonds, dans son regard plus pénétrant, dans ses gestes plus doux et plus gracieux, dans toutes les lignes de son visage, plus marquées et plus pures, et sur son front bleui aux tempes, la vie avait posé ces empreintes mystérieuses qui éveillent la pensée en attirant le cœur. Ce n’était plus la belle fille épanouie, riche d’avenir, mais sans passé, être indécis qui ne se connaît pas encore ; elle avait souffert, elle avait vécu, et maintenant elle était bien l’être multiple, à la fois obscur et transparent, plein de révélations et de mystères, qui résume la création et la réfléchit.

Elle était vêtue d’une robe de laine, à courants de petites fleurs roses, négligemment attachée, et dont les plis dessinaient l’ampleur maternelle, mais toujours chaste et gracieuse de sa taille. Son col de mousseline, très-blanc, était un peu chiffonné, et les bandeaux de ses cheveux étaient froissés aux tempes, comme si de petites mains s’y étaient glissées. Elle se tenait renversée dans le fauteuil, à la manière d’une personne qui se repose, les bras étendus sur ses genoux.

Bientôt madame Renaud s’esquiva, en faisant un signe à sa sœur, et, cinq minutes après, elle revint, suivie de Camille. Elle avait voulu produire une surprise et réussit au delà de son attente, car, au lieu des exclamations en-