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UN DIVORCE

maladresses, des bévues ! On n’avait su faire que des annonces fort coûteuses, et dont on riait, parce qu’elles annonçaient ce cirage comme le plus merveilleux du monde, tandis que Thérèse, et bien d’autres ménagères, avaient dû le jeter dans les balayures, puisqu’il donnait à la chaussure une couleur en effet très-éclatante, mais qui tirait sur l’écarlate beaucoup plus que sur le noir.

Sans la religion, mademoiselle Charlet eût été bien malheureuse ! Elle avait eu beau ne point vouloir se marier, il fallait qu’elle eût de la peine pour les enfants des autres ; et quels enfants !…

Alors elle baissait la voix pour raconter (mais seulement à une douzaine d’intimes amies ; ou seulement à sa couturière et à sa repasseuse, mais c’étaient deux femmes tout en Dieu) quelque trait de Mathilde qui faisait soupçonner à ces dames que l’antéchrist pouvait bien être né femelle. Mademoiselle Charlet ne voyait plus sa nièce qu’aux repas, où celle-ci apportait un livre, en sorte qu’elles passaient des quinze jours sans se parler. C’était incroyable, mais c’était vrai. Tout cela désolait mademoiselle Charlet ; elle n’y tenait plus, et elle allait écrire à son beau-frère de la débarrasser de ses enfants, puisqu’elle voyait bien d’ailleurs qu’on n’avait pas confiance en elle ; car elle s’était aperçue que Mathilde donnait à son frère de petites sommes de temps en temps ; mais on ne lui rendait compte de rien.

On plaignait beaucoup dans la ville mademoiselle Charlet, et quand Mathilde passait dans la rue, de son pas vif et décidé, allant à Beausite donner ses leçons aux enfants Schirling, et toujours vêtue de sa petite robe de laine noire et de son chapeau de paille aux rubans couleur de feu, elle ne rencontrait guère sur sa route