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UN DIVORCE

d’injures et de reproches. Elle pleura d’abord, puis elle lui dit :

— De quoi veux-tu que je vive ? Il faut que le petit trouve du lait dans mon sein. Tu n’as pas d’argent. Quand je t’en demande, ta figure me fait peine à voir.

— N’en demande qu’à moi, s’écria-t-il, et, dussé-je vendre mes habits, je t’en trouverai ! mais ne me fais pas descendre, aux yeux du monde, au dernier degré d’avilissement. Si tu ne peux rompre avec tes habitudes de mendiante et de sauvage, pars, laisse-moi, au nom de Dieu ! J’avais bien assez de misères, j’avais assez de faiblesses, assez de lâchetés sans toi ! Tu m’as rendu si malheureux que je mourrais avec joie.

— Si tu voulais, dit-elle de sa voix douce et lente, nous serions heureux. Tu vendrais ce que tu as pour acheter un cheval et un bon char, où nous logerions avec le petit. Nous irions de lieu en lieu, çà et là, contents et libres. Je ferais, comme faisait ma mère, des fleurs en papier rouge, bleu, jaune, très-belles ; nous les vendrions. Loin d’ici, personne ne te connaîtrait, et tu ne t’occuperais plus des idées des autres, qui te tourmentent tant.

Il la traita de folle, et sortit en lui jetant tout ce qu’il possédait. Maëdeli devint de plus en plus triste. Elle restait quelquefois des heures entières, les yeux fixes, assise par terre, au pied du berceau de son enfant, les mains croisées autour de ses genoux. Puis, au sortir de ces rêveries, elle poussait des gémissements, et plus d’une fois la voisine, inquiète, vint frapper à sa porte pour lui demander ce qu’elle avait.

Quant à la tante Charlet, elle était si honteuse de son neveu que, afin de le renier mieux, elle racontait ses méfaits à tout le monde. Tout, dans l’atelier, allait à l’envers. Ni soin, ni activité ; un encombrement, des