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UN DIVORCE

et large, de grands yeux noirs, des joues pâles et avalées, une excessive maigreur ; mais son sourire était charmant, et sa vivacité n’était pas amoindrie par sa faiblesse.

Quand il ne souffrait pas, il était gai, se répandait en gazouillements, en éclats de rire, et faisait tout le bruit dont il pouvait disposer. Il commençait à embrouiller les bobines de sa mère et saisissait à merveille la plaisanterie quand elle le menaçait, le doigt levé disant : « Finissez, monsieur ! » L’éclair d’une joyeuse malice brillait alors dans ses yeux. Il se hâtait de recommencer en la regardant, et riait aux éclats, en se rejetant en arrière, quand la main chérie, si peu redoutée, fondait sur lui. Car il était toujours passionné, soit dans le plaisir, soit dans la peine, et même dans l’observation où il s’absorbait parfois, au point que sa mère avait reconnu la nécessité de l’en distraire. De même sa joie, si elle devenait trop vive, dégénérait en rire nerveux et en crises, et ses colères, assez rares heureusement, étaient effrayantes.

Mais quand il n’éprouvait que des douleurs physiques, ce qui était fréquent, ce n’était pas de l’irritation qu’il témoignait ; il se plaignait doucement, en regardant sa mère ; et on voyait que la douleur seule lui arrachait des cris, qui s’apaisaient aussitôt. Dans ces moments-là, il semblait vouloir expliquer son mal. Il adressait à Claire de longs récits inintelligibles, pleins d’inflexions de voix. Elle répondait en pleurant :

— Je ne te comprends pas ; mais je sais que tu souffres, et je souffre avec toi.

Puis, elle disait à madame Grandvaux :

— Il est déjà tout rempli d’idées. Il lui manque seulement de savoir notre langue pour causer avec nous.

Madame Grandvaux se félicitait du résultat des conseils