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UN DIVORCE

chagrins. Ma pauvre sœur, sa femme, n’était pas raisonnable du tout. Elle doit avoir à présent près de cinquante ans, et j’espère qu’elle a bien changé ; mais il y a eu des choses… Enfin elle avait la tête… vive, et elle a tant donné… d’inquiétude à son mari, qu’il a fini par vouloir quitter la Suisse. Je te dis tout cela parce que tu es mariée ; car tu sens bien que c’est une chose dont il ne faut pas parler. Elle s’était affolée alors d’un comte prussien et même s’en était allée avec lui jusqu’à Berne. Sargeaz est allé la chercher, l’a ramenée, et tout aussitôt il s’est occupé d’avoir une place en Russie, et il est parti.

— Une femme mariée ! s’écria Claire en joignant les mains.

Mon Père ! oui. Il y en a comme cela. C’est une terrible épreuve que le mariage, et on ne sait jamais comment les choses y tourneront. Pourtant on en voit plus qui oublient leurs devoirs parmi les hommes que parmi les femmes.

Elle s’arrêta en regardant Claire, qui baissa les yeux.

— Contre ça, vois-tu, les femmes n’ont de ressources que la patience. On ne ramène point un mari par de l’humeur et des reproches ; ils n’aiment pas cela. Mais quand on reste attachée à ses devoirs, douce, attentive, soigneuse, ils finissent toujours par s’ennuyer de leur mauvaise vie et vous revenir.

— Ah ! vraiment ! répondit la jeune femme, dont le cou et le visage se couvrirent de rougeur. Et alors il faut se trouver honorée de les recevoir ?

Un éclair jaillit au milieu des larmes qui voilaient ses yeux.

— Ma pauvre fille, reprit madame Grandvaux, il ne