tible et tâche seulement de me comprendre. Tu crois, comme les autres, qu’on plaît en cédant toujours. Eh bien, réfléchis un peu. Quand tu en seras arrivée à avoir dépouillé successivement pour ton maître ta volonté, ta raison, ta justice, ta pudeur, tout ce qui constitue l’être, que restera-t-il ? Vois-tu, malgré eux, à leur insu, ce qu’il leur faut, ce qu’ils cherchent, ce n’est pas la chose, c’est l’être ; ce n’est pas le visible, le connu, le borné, c’est ce qui se renouvelle et se garde ; ce qui est au delà d’eux et qu’ils ne peuvent jamais posséder tout entier. En sorte que ce qu’ils ont pris tant de peine à détruire, c’était précisément ce qu’il leur fallait. N’as-tu jamais entendu parler de femmes laides qui sont adorées ? Sais-tu pourquoi les coquettes ont tant de succès ? Claire, cette madame Fonjallaz est moins belle que toi ; mais ton mari la préférerait à une Cléopâtre, parce qu’elle a, quoique assez vulgaire, une personnalité décidée. Elle est elle-même. Elle veut, elle se fait sentir. On ne l’a jamais tout entière. La coquette, ce génie du faux amour, pourquoi règne-t-elle au milieu de l’asservissement des autres femmes ? Parce qu’elle sait se reprendre ou se garder, et ceux que des buts plus nobles ne touchent point, la poursuivent sans cesse, parce qu’ils ne l’atteignent jamais.
— Je ne sais pas être coquette, moi, dit la jeune femme en secouant sa jolie tête, et ne le saurai jamais.
— Est-ce un conseil que je te donne ? Je te cite cet exemple dans le mal des effets d’une loi sublime. Je veux te faire comprendre que l’on peut donner son cœur, jamais son intelligence et sa volonté. Fais-toi respecter de ton mari, Claire ; sache être et vouloir, et sois sûre que, s’il peut t’aimer encore, ce ne sera que par ce moyen.
— Tu as raison, dit la jeune femme lentement et les