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UN DIVORCE

Tout à coup, au milieu du jeu, Claire sentit deux lèvres ardentes s’imprimer sur son cou.

Elle devint toute tremblante, et, sans savoir ce qu’elle faisait, elle se leva brusquement, l’enfant dans ses bras, et se mit à marcher dans la chambre. Puis, elle fut obligée de s’asseoir, et elle n’osait regarder son mari. Cependant elle jeta vers lui un coup d’œil furtif ; il avait les sourcils froncés. Un moment après, il dit avec brusquerie :

— Sais-tu les belles frasques de ton cousin ?

— D’Étienne ?

— Il vient de donner sa démission d’employé.

— Quoi ! est-ce possible ?

— C’est fait, et il n’a pris pour cela conseil de personne, excepté de cet emballeur de Monadier qui s’est emparé de lui. Et le voilà maintenant faisant du cirage.

— Du cirage !

— Il compte avec cela gagner des millions. Il est dans une baraque, sur les bords du Flon, tout près d’ici, avec un ouvrier qu’il surveille, et auquel il s’occupe d’enseigner ce qu’il ne sait pas lui-même. Mais tout cela ne l’empêche pas d’être enchanté de son sort.

— Quelle folie ! c’est inconcevable ! Donner sa démission d’une place, qui, après tout, lui assurait le nécessaire et un certain avenir !

— Il trouvait que cet avenir n’était pas large, et c’est bien vrai ; mais il y a tant de gens ici qui se contentent d’aussi peu. Et puis Étienne est-il homme à faire quelque chose par lui-même ? Sais-tu ce qui l’a décidé ? C’est une réprimande de son chef, parce qu’il s’était présenté au bureau trop tard, et dans un état peu recommandable. Bah ! c’est un pauvre garçon de toutes manières ; rien que deux ou trois bouteilles lui suffisent pour se coiffer com-