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UN DIVORCE

vint sur ses lèvres à l’aspect du petit être aux traits décomposés qu’on lui présentait. Mais ces pâles prunelles qui se mouvaient étonnées de la lumière, cette bouche qui s’ouvrait, c’était la vie. C’était déjà le sens de l’identité rencontrant l’objet extérieur. Ce vagissement si faible, c’était la souffrance. Le sourire s’effaça, et ce fut un regard tendre qui tomba sur l’enfant, prise de possession et don tout ensemble, solennel comme un pacte d’éternel amour, si beau que madame Grandvaux, depuis ce temps-là, se figura la grâce céleste descendant sur l’homme sous la forme de ce regard.

Bientôt, également épuisés, ils s’endormirent tous deux, à côté l’un de l’autre, la toute petite main de l’enfant dans celle de sa mère. M. Desfayes, qu’on avait envoyé chercher, rentra. S’étant approché du lit, il contempla quelque temps les deux êtres qui y reposaient ; puis, s’approchant de sa belle-mère, il dit à voix basse :

— Comme c’est laid à voir, un enfant naissant !

— Le pauvre petit est très-faible, Ferdinand, répondit tristement madame Grandvaux.

— Oh ! c’est que, voilà, dit la sage-femme, la grossesse a été pénible. La jeune dame est très-nerveuse ; ça se voit, l’enfant a souffert. Et puis il est venu trop tôt de quinze jours. Il faut que madame ait pris peur ou peine de quelque chose, ou bien qu’elle se soit trop fatiguée hier. Voilà ! le petit est viable, mais on aura du mal pour l’élever.

M. Desfayes fronça les sourcils et fit quelques pas dans la chambre d’un air soucieux. Puis il sortit de nouveau.

Ce fut une longue convalescence que celle de Claire ; un mois plus tard, elle pouvait à peine se lever. Le petit