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UN DIVORCE

des harnais : un des traits était de deux pouces plus court que l’autre, et la têtière, mal attachée, aveuglait presque le cheval.

Les petits doigts d’Anna se mirent aussitôt en devoir de défaire et de rajuster les rudes courroies. Elle entendait si bien toutes ces choses que Camille, souriant et émerveillé, se bornait à regarder, s’excusant de ne pas savoir. Cependant il crut pouvoir s’emparer des rênes, et monta sur le siége, tandis qu’Anna se plaça près de sa sœur et la soutint dans ses bras. Le père, aviné, avait glissé des coussins et ronflait sous leurs pieds, au fond de la voiture.

Satisfaite désormais quant à l’arrangement des choses, Charlotte fila comme un oiseau, et l’on arriva bientôt à Lausanne. Là, Camille dut soutenir Claire jusqu’à sa chambre, car la pauvre femme était incapable de marcher et souffrait de vives douleurs. Anna resta près d’elle, tandis que le jeune peintre se chargeait d’aller déposer à Beausite M. Grandvaux, et d’en ramener leur mère.

— Qu’il est aimable et bon ! dit la jeune fille à sa sœur.

— Oui ! oh ! oui ! répondit la triste Claire ; ce n’est pas lui… mais elle n’acheva pas sa pensée.

Les souffrances de la jeune femme devenaient si vives qu’on dût envoyer chercher la sage-femme et le médecin. L’un et l’autre déclarèrent que l’accouchement allait avoir lieu.

Cela causa beaucoup d’inquiétude, car on n’attendait l’enfant qu’un mois plus tard. Claire jeta un cri de désespoir. Devait-elle être trompée à la fois dans sa confiance d’épouse et dans son avenir de mère ? Elle souhaita sincèrement de mourir.