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UN DIVORCE

bien que le harnais allait mal ; mais comment, par cette nuit sombre, y remédier ? Il n’y avait qu’à prendre patience et avancer le plus possible. Trois lieues de grande route sont bientôt faites ; mais la différence entre la ligne droite et les lignes courbes que s’obstinait à tracer la Charlotte doublait la distance au moins.

À peine dans la voiture, le père Grandvaux s’était lourdement endormi. Anna regarda sa sœur et vit son pâle visage, un peu tourné vers le ciel, se détacher dans la nuit. Ce n’était pas des dangers de la route qu’elle semblait occupée.

— Claire !

— Eh bien ?

— Souffres-tu ?

— Beaucoup.

Quel genre de douleurs éprouvait-elle ? Anna n’osa pas le lui demander. Elle-même était indignée de l’abandon de Ferdinand. L’état de son père aussi l’affligeait, et des larmes lui venaient aux yeux, mais qu’elle essuyait bien vite, afin de distinguer un peu le chemin. Assise sur le siége, le fouet en main, tirant de toutes ses forces les rênes à droite, la pauvre enfant roidissait son courage et tâchait d’avancer un peu.

Mais la Charlotte s’arrêta de nouveau, et cette fois les coups de fouet furent impuissants à lui persuader d’aller plus loin.

— Où sommes-nous ? demanda Claire.

— Pas très-loin de Lutry.

— Quoi ! pas même encore la moitié du chemin ! dit la jeune femme d’une voix désespéré. Ah ! je n’atteindrai jamais Lausanne, Anna ; je souffre trop.

— Est-il possible, ma pauvre sœur ?

Et Anna essaya de réveiller son père. Mais ni le nom