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UN DIVORCE

vieux fauteuil, Claire, abattue et morne, se taisait. Camille, qui remontait, voulant voir la fête aux lumières, offrit de prévenir M. Desfayes, et Anna le chargea pour son beau-frère des injonctions les plus pressantes.

Une demi-heure après, on reçut un message de Ferdinand. Il faisait dire qu’il ne pouvait quitter le banquet en ce moment ; que lui et ses amis se rendraient à pied tous ensemble, et qu’il ne fallait pas qu’on l’attendît.

— En vérité, il n’est guère soucieux de toi, ma chère, dit Fanny à Claire, de peur sans doute que celle-ci ne s’en aperçût point. Oh ! mais les hommes sont ainsi !

M. Grandvaux, certes, voulait bien partir et n’eût supporté sur le fond de la chose aucune discussion ; mais, attablé vis-à-vis de M. Renaud, il ne pouvait s’arracher à l’élaboration de certains plans de politique européenne, que l’effervescence de la journée avait fait éclore dans son cerveau, et ne s’apercevait pas que son interlocuteur, qu’il supposait attentif et même fortement frappé, sommeillait et ne se réveillait de temps à autre que pour choquer les verres machinalement.

La langue de l’orateur, il faut le dire, hésitait beaucoup, et les fils de son discours s’entre-croisaient souvent d’une façon inextricable. Anna parvint enfin à le décider au départ ; mais alors, pour atteler le cheval à la voiture, ni le fermier, ni ses fils ne se trouvèrent : tout le monde était à la fête, et M. Grandvaux dut remplir lui-même l’office de palefrenier, assisté de son hôte, qui se frottait les yeux.

M. et madame Renaud restaient à leur campagne.

La voiture n’avait pas de lanternes. L’obscurité cependant était assez profonde pour qu’on ne vît les objets que par grandes masses et confusément, et le chemin qu’il fallait prendre pour arriver au bas du mont était