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UN DIVORCE

moi. Il y a sous nos yeux, madame, de quoi charmer un peintre tout le temps qu’il vous plaira.

Et, voyant bien qu’elle étouffait de larmes, il s’écarta de quelques pas.

C’était une soirée splendide. Soir et matin, mais surtout le soir, le soleil allume sur ces eaux et ces neiges d’indicibles magnificences ; il venait de disparaître derrière le Jura, et la colonne d’or liquide qu’il jette alors sur le lac, d’une rive à l’autre, avait aussi disparu. Mais les eaux frémissantes étincelaient encore, et mille feux et mille couleurs s’y fondaient, se dégradant par d’insensibles nuances, pour arriver plus tard au bleu sombre de la nuit. Quant aux grandes Alpes, elles apercevaient encore le soleil, descendu de l’autre côté du Jura, et tandis que la terre, au-dessous d’elles, était dans l’ombre, couronnées de lumière et de gloire, elles resplendissaient.

À la fin, elles pâlirent. De lumineuse, la neige devint rose, et peu à peu, çà et là, s’éteignit. Mais sur l’une des plus hautes sommités du Valais persistèrent longtemps des rougeurs ardentes, et l’on eut dit un phare allumé là-haut.

La nuit venait. Camille fut rappelé par la voix de Claire. Elle s’était calmée et même essayait de sourire en lui parlant.

— Je vous ai fait beaucoup attendre, monsieur Camille ; mais j’étais sûre que vous désiriez ne pas perdre une nuance de ce beau coucher de soleil. Vous étiez si immobile et si recueilli !

— Je ne peignais pas en ce moment, je pensais…

— Ah ! et quelles pensées cela vous inspirait-il ?

— Oserai-je vous les dire, madame ?

— Si vous voulez.

— Eh bien, je me demandais, et ce n’est pas la pre-