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UN DIVORCE

monde a pris le parti de s’y rendre, en me laissant le soin de vous chercher encore et de vous emmener s’il y avait lieu. Renaud compte sur vous, Étienne.

Trop sûr d’être mal accueilli par son oncle, le jeune Sargeaz dut refuser. Il aida seulement sa cousine à descendre la première pente, et, la recommandant aux soins de Camille, il les quitta.

Camille regardait avec compassion cette jeune femme, si belle et si triomphante autrefois, maintenant si défaite, et il comprenait bien que ce regard désespéré, cet alanguissement de fleur brisée, avaient d’autres causes que des souffrances physiques. Tout en la soutenant sur le chemin abrupt et rocailleux, il lui adressait de temps en temps la parole, et le seul accent de sa voix devait faire sentir à Claire qu’un ami veillait sur elle. Elle, cependant, face à face avec le spectre de son malheur, savait à peine où elle était, ce qu’on lui disait, et parfois, quand le silence, succédant à la voix de Camille, l’avertissait qu’il fallait répondre, qu’on avait parlé, elle le regardait avec de grands yeux interrogateurs, au fond desquels gisait le désespoir.

— Ne causons plus, chère madame, lui dit-il d’un ton affectueux ; cela vous fatigue.

Ils descendirent quelques instants encore, en silence, le chemin raviné, dont les cailloux roulaient sous leurs pieds. Mais les forces de Claire étaient à bout. Camille la fit asseoir au bord du chemin tapissé d’herbe, et comme la maison était proche, elle le remercia de ses soins, lui disant qu’elle allait se reposer là quelque temps et pourrait achever le trajet seule.

— Je ne vous quitterai point, répondit Camille en montrant un homme aviné, couché à peu de distance ; mais reposez-vous tout à votre aise sans vous occuper de