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UN DIVORCE

— Quelle chaleur déjà !

— Taisez-vous donc, Camille. Je ne m’enflamme pas si vite. Me prenez-vous pour un Français ?

— Vous cherchez à dissimuler, Ferdinand ; mais je l’ai vu, mademoiselle Claire vous a ébloui. C’est assez naturel du reste, et il faut vous rendre cette justice que vous êtes parmi les hommes de ce pays un des moins insensibles au prestige féminin, si bien que je vous croirais destiné, mon cher, malgré la Bible, si vous vous mettez en ménage, à régner sans gouverner.

— Vous croyez ? Ce qui est certain, Camille, c’est que vous avez de l’amertume. Pourriez-vous m’apprendre d’où cela vient ?

— Impossible, mon cher ; et pour une seule raison, c’est que je n’en ai pas.

Ferdinand se mit à siffloter assez ironiquement ; Camille haussa les épaules et s’occupa de regarder à droite et à gauche d’un air dégagé. Ils arrivèrent ainsi au bout de l’avenue, en face de la maison, que précédait une corbeille de fleurs. Cette maison n’avait qu’un étage, surmonté de mansardes ; un jasmin et de jeunes vignes l’égayaient de leurs bouquets verts. À gauche se trouvait la ferme, à droite le jardin fruitier.

— N’est-ce pas la cousine de mademoiselle Grandvaux, mademoiselle Mathilde Sargeaz, qui l’accompagnait ? demanda Ferdinand.

— Précisément. Vous ne la connaissiez pas ?

— Oh ! elle est assez connue de réputation. C’est une personne si extravagante. Mais je ne lui ai jamais parlé.

— C’est une personne fort distinguée. Mais il est assez naturel que dans votre pays vous ne puissiez la