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UN DIVORCE

m’étonne pas ; car, très-probablement, elle ne lui coûte rien.

En même temps elle observait Ferdinand du coin de l’œil, et vit la rougeur de la colère lui monter au front. Elle eut peur, mais n’en fut que plus excitée.

— Bah ! vraiment ! répliqua Fanny, elle serait la maîtresse de quelqu’un ?

— De quelqu’un ou de plusieurs, je ne sais, répondit madame Desfayes, en imprégnant ses paroles de la haine corrosive qui lui brûlait le cœur.

— Claire ! s’écria Ferdinand furieux, il me semble que tu dis là des choses fort inconvenantes…

— C’est qu’en parlant de cette femme-là, répliqua-t-elle, il est impossible de dire autre chose.

— Taisez-vous alors, dit-il durement, quoiqu’à demi-voix.

— Eh bien ! mais, en effet, je crois avoir entendu dire qu’elle était très-légère, s’écria Fanny.

— C’est possible, observa le père Grandvaux d’un ton bonhomme ; mais, après tout, ça ne nous fait rien.

— Le fin mot de la méchanceté de ces dames, dit Renaud, c’est que madame Fonjallaz est en effet très-bien mise, et que ne pouvant déchirer la toilette, dont elles sont jalouses, ces dames déchirent la personne elle-même à belles dents. Le seul sentiment vrai des femmes les unes pour les autres, voyez-vous, c’est la jalousie. Pour moi, ce n’est pas le café Fonjallaz que je fréquente, mais l’autre jour, quand j’y suis allé pour vous parler, Ferdinand, j’ai remarqué cette petite femme, et elle ne m’a pas paru plus coquette qu’une autre, mais seulement fort bien entendue à son métier.

— L’autre jour ! murmura M. Desfayes évidemment contrarié, oui, c’était Monadier qui m’y avait fait en-