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UN DIVORCE

chose, avait passé sur son visage quand elle avait annoncé l’intention d’y aller aussi… Il avait même essayé de l’en détourner.

Dès lors, tout le charme de cette journée fut perdu pour elle, et elle retomba en proie à ces inquiétudes qui la dévoraient depuis qu’elle avait découvert l’infidélité de son mari. Autant, autrefois, elle avait eu de confiance, autant elle était devenue facile au soupçon. Maintenant, quand M. Desfayes sortait, cachée derrière le rideau d’une fenêtre, elle épiait de quel côté il portait ses pas ; et, quoiqu’elle sût bien que tout chemin menait à la place Saint-Laurent, de même qu’à Rome, s’il prenait par le grand pont qui y conduit directement, elle avait le cœur saisi d’angoisse et restait livrée aux pensées les plus cruelles jusqu’au retour de son mari. Alors elle s’évertuait en questions détournées pour savoir où il était allé et surprendre quelque contradiction dans ses réponses.

— Claire, en vérité, qu’est-ce que cela veut dire ? Voilà trois fois que je vous adresse la parole et que vous ne me répondez pas. C’est pourtant trop fort de s’absorber ainsi au milieu d’une fête…

— Oh ! c’est que… je regardais… Eh bien ! Fanny, que disiez-vous ?

— Je vous montrais cette petite cafetière de la place Saint-Laurent, ma chère. Comme elle est mise ! Une toilette magnifique ! Ne dirait-on pas une grande dame ?

— Si ce n’étaient son air et ses manières, observa Claire d’une voix haute, car elle voulait être entendue.

Et précisément Ferdinand se trouvait tout près. Elle reprit :

— Mais il est impossible d’avoir plus mauvais ton et d’être plus effrontée ! Pour sa toilette, ma chère, ça ne