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UN DIVORCE

pour la première fois. À l’autre bout de la longue avenue de jeunes tilleuls qu’ils suivaient on apercevait la maison.

Elle s’élevait à l’extrémité d’une vaste prairie, au-devant d’un bois qu’à distance elle semblait toucher. Ce bois, dont la ligne sinueuse se prolongeait à droite et à gauche, indiquait le cours du petit torrent qui, après avoir traversé Lausanne, court dans la campagne, en se rendant au lac par le plus long chemin. La prairie, bosselée de fortes ondulations, — car dans ce pays la plaine est à peu près inconnue, — était parsemée de bouquets de sapins ou de mélèzes, au-dessus desquels s’élevait çà et là un gracieux bouleau.

— Quand on songe, s’écria Ferdinand en sortant de sa méditation, que le vieux Grandvaux a acheté ce terrain-là, il n’y a pas plus de quinze ans, pour le prix dérisoire de cinquante mille francs, et que maintenant, à force d’acquêts et d’améliorations, sa propriété en vaut plus de trois cent mille !

— Décidément, mon cher, je vous soupçonne de chercher une dot ici, dit Camille, dont la voix s’altéra un peu.

Ferdinand lança un regard de côté à son interlocuteur, et répliqua sèchement :

— Pas du tout. Je vous ai dit que je ne connaissais pas les demoiselles.

Et, avec un soin minutieux, il époussetait la cendre de son cigare.

— Vous ne resterez pas longtemps dans cette ignorance, reprit du même ton le jeune Français, car voici l’aînée.

Deux jeunes filles s’avançaient vers eux dans l’avenue, du même pas, en causant. L’une (une petite personne qui