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UN DIVORCE

à habiter avec lui, même, s’il le fallait, à l’aide des gendarmes !

Mademoiselle Sargeaz se leva d’un bond :

— On revise la loi, ma chère !

(Ses petites dents blanches se serraient convulsivement, et ses yeux lançaient des flammes.) Et tandis sa cousine la regardait avec surprise :

— Oui, Claire, on revise la loi. Qui que ce soit, je te l’affirme, homme ou femme, est maître de soi quand il veut l’être. Que M. Desfayes te menace de cette indignité, qu’il l’ose, réponds-lui : « Eh bien, moi, si tu fais cela, de nuit ou de jour, en quelque lieu que ce soit, moi, ta femme, je te brûlerai la cervelle ou je te poignarderai, comme j’ai droit de le faire pour ma légitime défense vis-à-vis de tout brutal qui porte la main sur moi. » Dis-lui cela, Claire ; et alors, je te le jure, il te prendra pour une créature humaine et te respectera.

Claire poussa un long soupir et s’affaissa sur le canapé, où elle se mit à pleurer et à sangloter sans proférer une parole.

Trop énergiques pour elle, les conseils de sa cousine ne pouvaient que l’étonner. Mathilde le vit enfin quand, revenant s’asseoir auprès de Claire, elle s’efforça de nouveau, mais en vain, de lui faire sentir la nécessité d’une résolution.

Alors, après l’avoir contemplée d’un œil triste, avec une compassion mêlée de dédain, elle se leva.

— J’aurais voulu t’être plus utile, Claire ; mais il faut que je te quitte. Je reviendrai te voir demain.

Restée seule, Claire se livra tout entière à sa souffrance.

Il lui semblait qu’elle allait mourir, tant elle souffrait ;