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UN DIVORCE

et ordonner à madame Fonjallaz de ne plus mettre les pieds chez moi.

La jeune femme ne répondit pas ; mais, l’oreille tendue vers la porte, elle écoutait, comme si, à travers les murs, elle eût pu saisir quelques mots.

Tout à coup, incapable de résister plus longtemps à son désir, elle fit de la main à Mathilde le geste du silence, ouvrit doucement la porte qu’elle laissa ouverte, et, marchant sur la pointe du pied jusqu’à l’entrée de la salle où se trouvaient son mari et madame Fonjallaz, elle s’appuya contre le chambranle et appliqua son œil au trou de la serrure sans faire aucun bruit.

Mathilde avait haussé les épaules, et son visage exprimait une vive désapprobation. En effet, c’était vraiment une action folle et honteuse que faisait Claire. La porte de la salle pouvait s’ouvrir tout à coup, ou bien Louise, en sortant de la cuisine, pouvait rencontrer là sa maîtresse. Mademoiselle Sargeaz, anxieuse, resta debout dans le salon, à la même place, les yeux attachés sur Claire.

Le temps lui semblait long. Les minutes s’écoulaient, et Claire était toujours là. Une ou deux fois, Mathilde crut voir un tremblement convulsif agiter les membres de sa cousine ; elle attendit encore, et enfin, perdant patience, elle s’avançait pour ramener Claire, quand elle la vit se détacher de la porte et revenir chancelante, pâle, les traits égarés. À peine Mathilde eut-elle prudemment fermé le salon, que madame Desfayes tombait sur le canapé en poussant des gémissements et des cris.

Elle étouffait ; ses bras se tordaient. Mathilde se hâta de lui donner de l’air en ouvrant sa robe ; mais longtemps ses soins et ses paroles furent inutiles pour apaiser les souffrances de Claire et ses cris de désespoir. Enfin